présentation des peintures synchronistiques

lundi, décembre 28, 2009

IDENTITÉ

Le gouvernement français a lancé un débat foireux sur l’identité nationale, à l’heure où il serait bien plus opportun de réfléchir, par exemple, sur la convergence européenne. Nous ne sommes plus au temps d’Astérix et du village gaulois, temps dans lequel l’identité du groupe ne dépassait probablement guère les limites tribales, parfois cantonnées à quelques kilomètres carrés. Et nous sommes aussi, malgré les apparences, en passe de quitter le temps du nationalisme, qui regroupait, souvent par la force, les petites communautés sous la houlette d’un pouvoir central souverain, avec comme ciment la langue imposée, la religion obligatoire, et le drapeau belliqueux. Le chauvinisme national n’est plus adapté au monde qui vient. Le temps de la globalisation est un temps d’extrême plasticité des identités, un temps où de nombreuses strates identitaires se superposent dans l’esprit de chaque individu, apportant parfois le conflit intérieur, mais garantissant aussi l’abandon de tout ostracisme de principe.

Il faut distinguer l’Etat national, dont le rôle organisationnel reste et restera pertinent, et qu’il faut donc continuer à défendre, et le sentiment identitaire, qui ne se confond plus, et c’est tant mieux, avec les frontières nationales. La modernité est transnationale, et elle est (ou devrait être) caractérisée par une connaissance toujours plus approfondie du monde. Et cette connaissance permet (ou devrait permettre) à chaque individu d’avoir suffisamment de recul et de curiosité pour laisser coexister en lui la pensée magique des chamanes, la mystique altruiste des religions, la métaphysique des philosophes grecs, la conscience humaniste des lumières, et la rationalité des scientifiques d’aujourd’hui.

Alors en cette période de vœux tous azimuts, faisons le pari d’un imaginaire nouveau qui puisse rassembler les hommes au-delà de toutes les frontières culturelles. L’identité n’est plus une chambre fermée, mais un balcon qui s’ouvre sur la beauté et la diversité du monde.

Bonne année 2010 à toutes et à tous !

samedi, décembre 05, 2009

AUTOPORTRAIT AU LIVRE

Autoportrait au livre, Gilles Chambon, 2009
L'autoportrait, narcissisme ou introspection ?

Au cours de l’histoire de la peinture, si quelques peintres, durant le Moyen Âge, se sont représentés discrètement dans leurs enluminures, en guise de signature, c’est bien sûr à la Renaissance qu’est apparu véritablement la notion d’autoportrait, et de façon magistrale avec Dürer.

L’artiste sortait de l’anonymat artisanal pour s’affirmer comme intellectuel et comme personnalité marquant son temps, digne de passer à la postérité. C’est donc plutôt le narcissisme qui a prévalu à l’origine dans l’autoportrait.
Les visages successifs que s’est peint Dürer, parfois en Christ, ont toujours cette calme beauté et cette prestance qui témoignent d’une estime de soi, voire d’une véritable admiration pour sa propre personne (ce qui ne retire d’ailleurs rien à leur grande beauté et à leur profondeur).

Autoportrait au paysage, Dürer, musée du Prado

Par la suite, c’est certainement Rembrandt, ayant réalisé au cours de sa vie près d’une centaine d’images de lui-même, qui a fait évoluer l’autoportrait vers une sorte de journal intime, montrant au fil des ans les marques imprimées par l’âge, sur le corps et sur l’âme. L’expression du regard, accentuée par le clair-obscur, est toujours chez le maître hollandais troublante de vérité et d’émotion. Et les mises en scène, dans des costumes et des décors parfois illusoires, ne sont pas là pour fausser la vérité du personnage, mais bien plutôt pour rappeler que toute gloire terrestre n’est qu’illusion, comme le signifiaient souvent avant lui les crânes des « vanités ».
Autoportrait en apôtre Paul, Rembrandt, Rijksmuseum, Amsterdam

Goya aussi fut un maître dans l’autoportrait introspectif, montrant, comme Rembrandt, combien la peinture peut s’avérer supérieure à la photographie pour exprimer la vérité et la complexité d’une âme humaine.

Autoportrait, Goya, 1795, musée du Prado

Plus près de nous, le dernier grand autoportraitiste de l’histoire de la peinture est sans conteste Van Gogh, qui s’est peint 35 fois, dont plus de dix fois en 3 ans, entre 1886 et 1889. De ces portraits, ne ressort évidemment aucune complaisance narcissique. Mais il n’y a pas vraiment non plus d’introspection ; ou plutôt si ; il y a une forme d’introspection, mais une introspection qui n’arrive pas à ses fins, qui ne comprend jamais, qui butte sans cesse contre le mystère angoissant de cette tête rebelle. Van Gogh masquait son désarroi quand il déclarait à son frère Théo : « si j'arrive à pouvoir peindre la coloration de ma propre tête, ce qui n'est pas sans présenter quelque difficulté, je pourrai bien aussi peindre les têtes des autres bonshommes et bonnes femmes ». Ce qui fascine dans ces portraits, c’est cette espèce d’obstination à essayer de contenir la souffrance intérieure : la géométrie du visage est maîtrisée et affirmée, le regard est fixe et lointain, mais tout cela s’anime en une vibration des touches et des couleurs, témoignant de cette fournaise invisible qui le ronge du dedans.

Autoportrait, Van Gogh, Washington, National Gallery of Art

Je pourrais multiplier les exemples à l’infini, et démontrer par là l’intérêt qu’a toujours eu l’autoportrait en peinture. Cela, bien sûr, pour justifier de façon savante le désir que j’ai eu de faire mon propre portrait. Mais je confesse volontiers le simple narcissisme (qui, je l’espère, ne supprime pas mon esprit critique vis-à-vis de moi-même) ; et aussi le goût de la tradition, le plaisir d’avoir les mêmes sensations qu’ont sans doute éprouvées les illustres prédécesseurs dont je viens de dire quelques mots.