présentation des peintures synchronistiques

dimanche, novembre 23, 2014

Retour de pêche synchronistique

Gilles Chambon, "Retour de la pêche, ou l'abondance", huile sur toile 54x73cm, 2014
 Le retour de la pêche est un thème récurrent de la peinture du XIXe siècle et du début du XXe ; on y voit généralement des voiliers qui rentrent au port, de préférence en Bretagne, et des matelots hâlés, souvent attendus par leurs femmes sur la grève. Mais ici, le retour de pêche devient très ambivalent : les deux jeunes pêcheuses sont très dénudées, et dans un environnement plutôt urbain, avec table et bouteille évoquant un bar… Leur panier de maquereaux serait-il alors une allusion à la prostitution ? Avec mon âme romantique, je préfère y voir simplement une allégorie de la prospérité et de l’abondance.

Les deux figures viennent pour l’une d’un tableau de Jean Souverbie, « Jeune femme avec un panier de poissons », et pour l’autre d’une peinture de Mario Sironi, « Nu avec arbre ». Le décor est  conçu à partir d’un assemblage de deux paysage urbains, également de Sironi, et d’une « nature morte avec moulin à café et bouteille », de Juan Gris.

mercredi, novembre 19, 2014

La Tour Triangle, un beau gâchis


Depuis plus de six ans des architectes, des ingénieurs, et des chargés de communication travaillent sur ce grandiose et symbolique projet pour la porte de Versailles à Paris, aux frais de la Chambre de Commerce de la Région Paris-Ile de France – c’est-à-dire aux frais du contribuable, et il semble qu’il ne verra finalement pas le jour.
La tour Triangle, à tort ou à raison, a cristallisé en elle les principaux affrontements idéologiques et culturels qui animent le débat autour de l’urbanisme du XXIe siècle. Tant d’erreurs ont été faites au XXe siècle, qu’il est permis de réfléchir un peu avant de prendre une position de principe.

Passons donc en revue les principaux arguments des pro-tour et des anti-tour :

Les pro-tour :
-    Les tours sont un progrès technologique et un symbole de modernité mis en œuvre dans toutes les grandes capitales mondiales, pourquoi Paris devrait-il y échapper ?
-    Les détracteurs de la tour triangle sont des passéistes, comme ceux de la tour Eiffel voilà plus d’un siècle – et l’histoire leur a donné tort.
-    La conception architecturale de la tour – due à Herzog & De Meuron, deux des plus grands noms actuels de l’architecture, permet de respecter les grandes perspectives urbaines du Paris haussmannien ; et l’environnement immédiat, souvent défectueux au pied des tours, est ici bien réfléchi.
-    À densité égale, la construction en hauteur permet de libérer de l’espace au sol pour les « espaces verts » et les équipements.

Les anti-tour :
-    Les tours c’est comme les centrales nucléaires : c’est dangereux (on l’a vu avec les twin towers) et ce n’est pas parce que c’est un progrès technologique qu’il faut en construire partout.
-    Paris est une exception, une ville unique dans le monde par la qualité et la préservation de son l’urbanisme haussmannien ; il faut le protéger contre toute volonté hâtive d’y libérer la création tous azimuts ; une tour triangle, ou tétraèdre, ou branculée de n’importe quelle façon, ne sied ni à Paris, ni à Venise, ni dans aucun des hauts lieux du patrimoine mondial.
-    La prise de conscience écologique condamne à terme les tours, très énergivores, au bilan carbone désastreux, et au coût d’entretien énorme. Comme les dinosaures, elles sont vouées à disparaître…
-    Les tours symbolisent en fait le mauvais côté de la mondialisation, à savoir celui de la toute puissance de l’argent.
-    Pourquoi construire des dizaines de milliers de m2 de bureaux alors qu’on sait que beaucoup de ceux qui sont à louer à Paris restent vides ou sont reconvertis en logements ?

En fait, les arguments de fonctionnalité et d’usage en faveur de la tour ne tiennent pas : il y a effectivement pléthore de bureaux à Paris, et suffisamment de friches urbaines pour créer des équipements et des jardins publics ou collectifs, sachant que la surface d’un espace vert est souvent inversement proportionnelle à la qualité de son aménagement. L’argument du verdict de l’histoire – avec pour exemple la tour Eiffel, ne tient pas non plus. Certes, la tour Eiffel est devenue le symbole incontournable de Paris, et personne aujourd’hui n’imaginerait s’en passer. Mais si les anti-tour avaient gagné et qu’elle n’avait pas été construite, non seulement personne ne la regretterait aujourd’hui, mais peut-être même que nous serions contents d’avoir échappé à une énième utopie comme les architectes et les ingénieurs en produisent des quantités à chaque siècle. Mais reconnaissons que si certaines de ces utopies, comme le plan Voisin, mettaient réellement en péril la cohérence de la ville, ni la tour Eiffel, ni la tour Triangle, n’ont à elles seules le pouvoir de détruire l’harmonie générale de Paris ; et tant que l’utopie réalisée reste un épiphénomène, une fantaisie limitée dans l’espace, on ne peut la rejeter sous prétexte qu’elle détruit le paysage urbain. 
Remarquons toutefois que si la tour Eiffel est réellement transparente et aérienne, ce n’est pas vraiment le cas de la tour Triangle ; gageons que si elle était construite, les courants d’air générés au pied d’une telle masse rendraient à coup sûr ses abords bien peu agréables. De plus la tour Eiffel n’a quasiment pas d’autre fonction que symbolique, et c’est pourquoi elle est restée unique. Mais ce n’est pas le cas de la tour Triangle, qui est plutôt destinée à constituer un précédent, et à ouvrir la porte à une ribambelle d’autres objets de grande hauteur lardant ce pauvre tissu haussmannien qui n’en pourra mais.

Alors on voit que la vraie question sous-jacente est : quels symboles notre temps doit-il inscrire dans l’espace de la capitale ? 
Ceux qui s’engouffrent dans la mode des tours, sous prétexte de vivre avec leur temps, ne font-ils pas la même erreur que les adolescents qui croient affirmer leur personnalité en arborant sur leur blouson une marque de vêtement chic ? L’intelligence nous pousse à écarter ces enfantillages, poussant chaque pays à rivaliser de prouesse architecturale avec ses voisins, du type : c’est moi qui est la plus haute, ou la plus belle, ou la plus chic…
Efforçons-nous de laisser une trace plus solide pour les générations futures. Le fait de résister à une mode n’est pas forcément se cramponner au passé. Ouvrons donc l’espace parisien aux véritables idées innovantes, approfondies, révolutionnaires… Et pas aux bâtiments gadgets, qu’ils soient triangulaires ou ogivaux, ou en chou-fleur, et même s’ils sont signés Herzog & De Meuron, Jean Nouvel, ou Frank Gehry. À moins qu’on considère que ce qui caractérise le mieux notre temps est justement la toute puissance du gadget et de l’argent, comme on peut le croire si l’on s’en remet à l’art contemporain, avec les chiens-jouets géants de Jeff Koons et le plug-sapin de Noël de Paul McCarty…

mardi, novembre 04, 2014

Bucéphale


Gilles Chambon, "Bucéphale", huile sur toile, 54x54cm, 2014

La légende raconte que le cheval d’Alexandre le Grand, nommé Bucéphale (ce qui pourrait se traduire par tête de bœuf), descendait des juments carnivores de Diomède, qu’Hercule avait ramenées au roi Eurysthée, puis apprivoisées.

La nature morte au crâne de taureau de Picasso (1939), et quelques chevaux peints sur les parois de Lascaux (il y a 17000 ans), m’ont donné prétexte à cette nouvelle fantaisie synchronistique. On devine aussi dans les motifs du fond de la composition, quelques fragments d’une autre oeuvre cubiste du maître espagnol : la nature morte à la bouteille de rhum (1911).